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« Je vous préviens, ça ne sera pas facile à entendre. Tout commença quand, il y a environ neuf ans, nous nous sommes rencontrés en faculté de biologie, dans le sud de la France. Je m'en souviens comme si c'était hier. Nous sommes immédiatement tombés amoureux. Au fur et à mesure, notre histoire est devenue plus sérieuse... »

 

Il marqua une pause, l'air songeur. Candice en profita pour regarder aux alentours. Ils étaient dans un petit café, aux allures miteuses. Tout laissait à croire que l’endroit n'avait pas été entretenu depuis un moment. Un charançon en bois, d'une taille impressionnante, était mis en évidence au-dessus de la porte d'entrée. Un livre intitulé Je suis bouleversé : Esthétique du sentimentalisme avait été placé sous un pied de table pour équilibrer le meuble. Tous deux étaient éclairés par des suspensions luminaires en forme de quenotte d'enfant, qui diffusaient une faible lumière.

Enfin, elle posa ses yeux sur Nathan, l'homme qui était supposé être son mari. Il la regardait, le visage triste. Tellement triste qu'il lui semblait faux.

Candice, interdite par ce qu'il avait commencé à lui dire, se mit à penser que ce lieu n'avait pas été choisi au hasard. Cet endroit avait l'air d'un café tombé dans les oubliettes, alors pourquoi l'emmener ici ? Mais plutôt que de prendre la parole pour exprimer ses doutes, elle le laissa continuer son histoire.

 

« Malheureusement, vos parents enfin... tes parents se sont opposés au mariage dont nous rêvions et nous avons décidé de nous transbahuter vers Paris. A force de débrouillardise, nous nous sommes désentripaillés, comme tu aimais à dire, et nous commencions à avoir une bonne situation. Je rêvais d'avoir des enfants, mais tu n'étais pas de cet avis… Enfin bref... Il y a trois ans, un jour où je faisais les courses, j'ai reçu un coup de fil qui m'annonçait que tu n'avais pas été présente au travail pendant toute la semaine. Ça m'étonnait, car tous les matins, je te voyais aller au laboratoire de développement biochimique. J'ai commencé à avoir peur. Peut-être que tu me trompais, ou je ne sais quoi ? J'ai donc décidé de t'attendre le soir même. Malheureusement, tu n'es jamais revenue… »   

 

Les paupières de Nathan s'ouvraient et se fermaient de plus en plus rapidement, comme pour essayer de pleurer.

 

«  Pendant des mois et des mois,  j'ai été à ta recherche, reprit-il. Je commençais à devenir fou : j'épiais chaque sentier, je confondais chaque silhouette inconnue avec la tienne, j'observais chaque brindille de notre quartier dans l'espoir d'obtenir un indice. Je pensais que tu t'étais enfuie de peur d'avoir à faire des enfants et d'arrêter ton boulot… Enfin, au bout d'un an, un ancien collègue de ton laboratoire m'a raconté que tu avais participé à une mission scientifique secrète, inconnue du département dans lequel tu travaillais, et qu'un accident s'était produit, tuant et blessant plusieurs personnes. Il ne savait pas ce qui était advenu de toi. J'ai cherché dans tous les hôpitaux de la région pour retrouver ta trace, mais ils étaient formels, aucun ne connaissait le nom de Candice Swan. Je me suis résolu à ta mort au bout de deux ans. J'avais perdu tout espoir. Mais maintenant, tu es là mon amour ... »

 

Un long silence s'installa. Candice était stupéfaite, il lui semblait avoir entendu l'histoire de quelqu'un d'autre. D'aussi loin qu'elle se souvienne, l'envie de fonder une famille avait toujours été une priorité. Elle ne se voyait pas non plus dans le domaine des sciences, qui lui était obscur. Tout ce qu'elle savait, c'est qu'elle s'était réveillée dans un hôpital, en Alsace, et qu'elle n'avait aucun souvenir. Prise de peur, elle s'était enfuie. Le seul élément dont elle avait connaissance était son prénom « Candice », qui était sur son bracelet d'hôpital.

Pendant trois ans, elle avait vécu en marge de la société. Elle avait heureusement trouvé quelques personnes de confiance, l'aidant à se sortir de la misère. Son ultime objectif était de découvrir son passé, mais, mystérieusement, son chemin avait toujours été semé d’embûches, rendant sa recherche quasi impossible.

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Bien entendu, Candice, se méfiant de ce Nathan, ne souhaitait pas raconter ce qu'il lui était arrivé depuis qu'elle s'était réveillée, perdue. Elle trouvait étrange le fait de n'avoir pas au moins réagi un peu en le voyant dans la rue. De plus, malgré tous les efforts qu'il faisait pour paraître anéanti, la manière dont il avait raconté l'histoire était presque mécanique. On aurait pu croire qu'il portait un masque, tant son visage paraissait faux.

 

Candice se leva.

« Écoutez Monsieur, je pense vraiment que vous vous êtes trompé, je ne suis pas cette personne que vous décri...

- Non ! coupa Nathan, je sais que c'est toi et si tu décides de partir, je crains que tu te trouves face à un grand danger... »

 

Myriam MOKEDDEM (UPEM - L1 Lettres Modernes - TD2)

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