Les Rocambolesques
roman-feuilleton collectif arborescent à contraintes
Soudainement, le visage de la jeune femme se métamorphosa, son air pâle et angoissé laissa place à une apparence de sérénité, teintée de malice. Elle pencha la tête et observa attentivement les charançons qui fourmillaient à ses pieds.
Dans un excès de sentimentalisme, elle sembla compatir devant la scène de ces insectes s'agitant fébrilement. Elle murmura d'une voix douce : « C’est à cela que je ressemble quand je suis l'Autre?
- A peu de chose près oui...
- C’est misérable, elle devrait évoluer. J’ai gardé la quenotte qu’elle a perdue dans la dernière bataille.
- Elle est un peu toi tu sais, et certainement la meilleure partie de ta personne.
- Tu sais ce que j'en fais de ta bienveillance ? Aux oubliettes ! Elle est faible, sans moi elle serait perdue, et sans vous pour me ramener, que deviendrait-elle ?
- Eh bien tu vois, je ne sais pas laquelle de vous deux est la plus à plaindre, dit Vernon en souriant, pensif.
- Définitivement elle, moi au moins je sais ce qui se passe, je ne suis pas transbahutée d'une temporalité à une autre sans aucun souvenir. Bon, nous avons une mission je te rappelle. Allons-nous-en. »
Annah se releva, laissant les interrogations et les tourments d'Anaïs en suspens. Annah sentait son double dormir paisiblement en elle, épuisée par tant d'agitation et de rebondissements. Elle avait tenté d'entrer en contact avec celle qu'elle appelait l'Autre, Annah se considérant comme la Première, la Vraie, l'Unique, Anaïs n'était qu'un poids. Mais à chaque tentative de communication, l'équilibre fragile qui les unissait se désentripaillait. Elles ne pouvaient survivre que lorsque Anaïs restait ignorante.
Vernon emboîta le pas à son acolyte et la suivit jusqu'au sanctuaire. Ils traversèrent plusieurs ruelles, allant parfois dans des directions opposées pour ne pas être suivis. Ils arrivèrent enfin devant l'immense porte en bois dont les fissures laissaient jaillir quelques rayons de lumière. Ils pénétrèrent dans le grand atelier du Dr. Maboule, lui-même attablé devant des travaux qui semblaient être de grande envergure. Il était entouré de rangées de bibliothèques et rangements en tout genre dans lesquels se trouvait une multitude d'objets extravagants et difficilement reconnaissables. Il semblait calme et concentré, nullement troublé par l'arrivée de ses amis. Vernon et Hannah s'approchèrent du Dr. Maboule et jetèrent un coup d'œil à ses travaux en se concertant : « Tu crois que c'est encore une nouvelle invention incroyable ?
- Elle sera peut-être incroyable mais comme toujours, elle provoquera une catastrophe..
- Peut-être qu'il a enfin découvert comment me soigner ?!
- C'est l'automne, les interrompit le Dr. Maboule.
- Pardon ? répondirent-ils en cœur.
- Oui, je n'étais plus inspiré par rien alors je me suis mis à dessiner l'automne.
- Mais ça ne ressemble à rien enfin...
- Vous ne pouvez pas comprendre, c'est du street art, vous ne saisissez pas le caractère exceptionnel de la spontanéité du trait. Installe-toi Annah, et toi Vernon, branche le matériel, murmura le Dr. Maboule qui observait ses œuvres. »
Vernon s'approcha d'une table d'auscultation, elle était entourée de câbles reliés à une gigantesque machine bruyante, une des plus impressionnantes créations du Dr. Maboule. Annah s'installa sur la table et Vernon brancha les électrodes sur sa poitrine, ainsi que sur ses tempes. Le Dr. Maboule sortit enfin de ses rêveries. Il agrippa le casque qui était posé sur la table des instruments et le fit enfiler à Annah. Il murmura tendrement : « Prête pour le voyage ? »
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Le 21 novembre 2016
Kaoutar TALHA (UPEM - L1 Lettres Modernes - TD2)