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   Lorsque l'homme prononça le mot de « war », je sentis mon estomac frémir. Il était en face de moi, l'âme et le corps inertes, son regard perdu dans le vide. Je lui tendis la main, il la saisit. Il lâcha sa bière, sa canne, et me suivit sans résister. J'empoignai fermement sa main droite, molle et faible. Je l'emmenai avec moi vers l'entrée béante et sombre sous le saule pleureur, qui me servait de tanière. Un bruit parvint aux orifices qui me servaient encore d'oreilles, comme une branche qui se brisait sous le poids d'un être humain, ou plutôt deux. C'est plus précisément un homme et une femme que j'entendis. La peur que je sentis flotter dans l'air laissait sous-entendre qu'ils m'avaient vu. Mon apparence hideuse... le dégout qu'ils avaient dû ressentir en voyant mon visage déformé, mes mains brulées, me fit mal. Pris de rage je me mis à réfléchir vivement. Que faire ? Puis une idée me vint. J'allais emmener ce pêcheur avec moi et, piqués par ce vif sentiment humain qu'est la curiosité, ils me suivraient indubitablement.

   Je mis mon plan à exécution. Le pêcheur ne se débattit pas mais son corps raide était dur à diriger. Une fois arrivé au sous-sol, j'attendis patiemment les deux intrus. J'avais caché le pêcheur dans mes appartements privés. CHUT ! Ils étaient déjà là, tout près. Je les voyais presque. J'avais raison c'était un homme et un... corbeau ! Cet homme était accompagné d'une femme qui semblait partager quelques caractéristiques avec les corbeaux, tout d'abord, ce bec proéminent noir et mat, ses ailes noires au reflet d'un vert scintillant. Ils entrèrent tout deux prudemment, moi qui comptais les prendre au dépourvu en surgissant de ma cachette, je préférais les suivre : ils m'avaient intrigué. Jusqu'où oseraient-ils s'aventurer pour sauver un inconnu ? Ils étaient prudents et vérifiaient le sol à chacun de leur pas, les alentours étaient également scrutés par les deux individus. Ils commençaient à s'aventurer bien trop loin : je devais faire cesser cette expédition. Ils ne devaient surtout pas croiser la route du maître. Il m'aurait banni pour une telle erreur. Sans lui je n'étais qu'un être hideux, seul et affamé. C'était le maître qui me nourrissait depuis deux ans et me rendait puissant...

   Mais où étaient-ils ? Je les avais perdu de vue le temps de cinq minutes, ils n'avaient pas pu aller bien loin. S'ils parvenaient au maître avant moi, ce serait la fin de ma misérable existence. Que je suis sot et distrait. Je n'avais qu'une chose à faire, ramener ce pêcheur à la collection du maître. C'en était fini de moi, le maître me tuerait. J'entendis un bruit sourd et lointain qui résonna dans les moindres recoins de la galerie. Le maître était réveillé.  Je devais lui apporter le pêcheur et retrouver les deux intrus avant qu'ils ne l'atteignent, pour les faire disparaître.

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Océane Ahmed

(L1, Lettres Modernes, UPEM)

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Mis en ligne le 23 novembre 2016

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