Les Rocambolesques
roman-feuilleton collectif arborescent à contraintes
Le pêcheur me fixait sans cesse, comme si j’étais une bête curieuse. En effet, je n’avais plus rien d’humain à ses yeux. Mon charançon avait disparu et j’étais agacé d’être observé dans un moment si tragique. «â€¯Eh, dégage de là ! lui hurlai-je, sanglotant. Tu n’as pas mieux à faire ? Retourne à tes poissons pourris et laisse-moi tranquille ! » On s’apprêtait à se battre lorsqu’une sirène de police nous fit sursauter. Étaient-ils là pour moi ? Sans me poser plus de question et sans perdre de temps, je pris mes jambes à mon cou en direction d’un petit sentier sombre qui menait à une vaste forêt. Tout ici serait inquiétant pour quiconque s’y aventurerait : les sons peu communs des animaux inconnus, l’obscurité causée par la densité des feuillages des arbres, le chemin si long qu’on ne saurait dire s’il a une fin… Pourtant, je m’y sentais bien, comme protégé par le cocon qu’offre la nature encore vierge de la main de l’homme. L’atmosphère lugubre de l’endroit n’altérait pas ce bien-être profond que j’y ressentais. Un, deux, trois, quatre… Sans savoir où je me dirigeais, je comptais les animaux que je rencontrais ; il y avait des cerfs, des serpents et même des lapins ! «â€¯Et si j’adoptais un sanglier pour oublier Barnabé ! »â€¯me dis-je. Frénétiquement, je me mis à courir longtemps hors du sentier pour trouver un sanglier à adopter ; mais au lieu de ça, je me suis perdu. Fatigué de cette course, je m’appuyai contre un arbre et me mis à pleurer. Rien ne pouvait me redonner le sourire, j’avais perdu mon seul ami… Avec Barnabé, je me sentais si fort, il savait trouver les mots justes. «â€¯Y a quelqu’un ? dit soudainement une voix féminine.
-Attention, je suis armé ! criais-je pour assurer ma sécurité.
-Ne reconnais-tu pas ma voix, Gastard ? s’interrogeait la voix d’un ton ironique. Tu m’as déjà oubliée ?
-Qui êtes-vous !?
-Une personne que tu connais très bien. »
Effrayé, je me relevai et regardai autour de moi. La forêt était si sombre que j’y voyais mal. En revanche, cela ne faisait aucun doute : il n’y avait personne alentour.
«â€¯Comment oses-tu avoir peur de moi ? reprit la voix. On est pourtant liés toi et moi…
-Reste où tu es ! ordonnai-je.
-Barnabé te manque ? »
Enfin je compris. «â€¯A… Anaïs ? » Un arbre tomba devant moi.
Akgun Meryem
(L1, Lettres Modernes, UPEM)
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Mis en ligne le 29 novembre 2016