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L’idée de prendre la place de cet homme pour m’enfuir finit par me glacer le sang. Etant donné la situation, il fallait que nous nous enfuyions tous les deux et que nous devenions complices pour sortir de ce parc d’attraction semblable à l’enfer. Même si c’était risqué, je ressentais trop de culpabilité pour le laisser seul, c’est pourquoi je me décidais d’aller lui parler : « Excusez-moi, j’aimerai que l’on fasse équipe pour sortir d’ici », lui dis-je. Tenant son chapeau à la main il me regardait et me dit qu’il ne voulait pas sortir et qu’il voulait retrouver cette femme au chapeau jaune. Rien de tout cela n’était compréhensible ; pourquoi voulait-il la chercher ici alors qu’il n’y avait plus personne, que des prisonniers froids et presque sans âmes. On était les seules personnes qui semblaient avoir encore un peu d’humanité dans cet endroit lugubre, qui me donnait la chair de poule. Etait-il lui aussi dans cet endroit depuis longtemps ? Son attitude très étrange me faisait penser qu’il ne voyait rien autour de lui, il persistait à chercher cette femme sans avoir l’air de s’inquiéter du paysage qui nous entourait.  

Tout à coup, un homme vint vers nous pour nous annoncer que l’un de nous devait partir sinon nous resterions tous les deux prisonniers à vie dans cette fête foraine. Pourtant, je ne voulais pas laisser cet homme qui avait l’air désemparé et complètement perdu, en me disant qu’il ne retrouverait sûrement jamais cette personne au chapeau jaune, surtout pas dans un endroit pareil. La nuit commençait à tomber et j’avais peur du sort que l’on nous réservait, il fallait vite que je trouve une solution et que je réveil ce malheureux qui ne faisait que tourner en rond depuis deux heures. Une chanson retentit, elle célébrait comme un sacrifice, un genre de rituel, peut-être notre sacrifice ? Sans plus attendre je prenais ce monsieur par le bras et le trainait jusqu’à la grille du parc qui était fermée par un énorme verrou.  En réfléchissant un peu je commençais à avoir une idée pour sortir de là. «â€¯Faut-il que je vous aide ? » me dit tout à coup mon acolyte de la situation. Fatigué de son ignorance, je lui répondais brièvement que ce n’était pas lui qui pourrait m’aider. Rapidement, je commençais à grimper par-dessus la grille et je lui dis de me suivre en essayant de ne pas faire trop de bruit. Agilement, il descendait de l’autre côté de la grille juste après moi. «â€¯Younes » me dit-il en me serrant la main, comme pour se présenter. A cet instant, je compris qu’il avait été comme hypnotisé par cet endroit et que c’est seulement arrivé de l’autre côté qu’il redevenait lui-même. Non seulement il se présentait à moi, mais en plus il commençait à m’expliquer par où il était venu et comment repartir vers la moindre civilisation. Très enthousiaste, je le suivais et m’aventurais avec cet homme que je ne connaissais qu’à peine. Quelques mètres plus loin, après une longue marche précipitée et angoissante à cause du décor plutôt macabre qui nous entourait toujours, nous nous arrêtâmes pour souffler un peu. Une sorte de vieille cabane abandonnée était là, seule au milieu des bois interminables et sinistres. En fait, j’avais comme l’impression qu’on était dans un film et que cette cabane serait sûrement notre refuge pour la nuit. L’homme qui était avec moi s’avançait doucement, craintivement vers cet abri et je le suivais en lui tenant le bras par peur qu’il m’arrive quelque chose. En plus, il avait l’air d’avoir de l’expérience et d’être plutôt fort. C’est pourquoi je lui faisais confiance. On entrait dans ce cabanon tout poussiéreux qui avait une odeur insupportable de moisissure. Rassuré, je lâchais le bras de Younes, mais je ne restais pas loin derrière lui. Bientôt, je pourrais rentrer chez moi et retrouver ma famille, en espérant qu’ils ne m’auraient pas oublié, et cette idée me redonnait enfin un peu de joie. En inspectant les lieux, je me rendais compte qu’il n’avait pas l’air très sûr, on marchait sur un sol humide et l’odeur de moisissure semblait se mélanger à une autre, une odeur de métal qui emplissait nos narines. Angoissé, je dis à Younes : «â€¯tu ne sens pas cette odeur ? elle me fait penser à du sang, tu ne trouves pas ? ». Un mauvais pressentiment m’envahissait, je regardais Younes avec un regard terrifié et je commençais à me dire que cet endroit n’était peut-être pas aussi rassurant que nous l’avions prévu…  

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Chloé Carrel

(L1, Lettres Modernes, UPEM)

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Mis en ligne le 29 novembre 2016

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