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Le vent me gifle la figure sitôt que j'ouvre cette porte. En fermant à moitié les yeux, visiblement seule, je tente de déterminer où je me trouve, et cela me paraît on ne peut plus compliqué. Mes yeux et mon cerveau m'envoient de façon désordonnée des images d'aquariums géants et de poufs en forme d'étoile, le tout à l'extérieur, sans aucun lien apparent. Éberluée, je m'adosse au mur (la porte a disparu, dans un contexte pareil, il fallait s'y attendre), observant cet... environnement plus attentivement. Trois ou quatre routes sinueuses semblent se dégager dans ce fouillis, le plus souvent entre un de ces aquariums aux étranges poissons verts qui nagent sans me voir. Résolue à ne pas me laisser abattre, je me  ressaisis et me lance dans un tirage au sort (après tout, je ne vois aucune meilleure idée) pour déterminer la direction à suivre. On pourrait croire à  un film d'horreur, sans la musique angoissante. En tout cas, même si je n'ai pas réellement peur, j'ai comme l'impression d'être plongée dans une léthargie étrange, qui m'intrigue un peu. 

 

Soudain, je me demande où est passé l'homme, et comment j'ai pu réussir à l'oublier. Tout à l'heure, pourtant, j'étais tout aussi préoccupée par son sort que par le mien, cela n'a pas de sens ! Petit à petit, je me réveille et tente de revenir sur mes pas, mais il est trop tard, je me suis perdue. Les aquariums sont toujours là, les poufs se suivent à intervalles réguliers. Un instant, je pense à en ramasser un ou deux en guise d'indice, mais vue leur taille, cela finit par me sembler absurde. Se promener dans un endroit pareil affaiblit visiblement le cerveau. En me faisant ces réflexions, je glisse et me rattrape précipitamment à un arbre. Fière de moi, je m'apprête à me relever entièrement lorsque je fixe mon attention  sur l'étrange consistance de l'écorce. Force est de constater qu'elle est étonnamment proche de celle de la laine, ou à certains endroits, du coton. Reste à savoir si je deviens folle, et je dois avouer que la réflexion m'est de plus en plus difficile. À quoi bon essayer de comprendre, rien ne semble réel, ici. Yo-yo, labyrinthe et charabia paraissent se succéder dans  ma tête. Attendre ne servirait à rien non plus, alors, que faire ? Néanmoins, il n'est pas question de rester immobile ici. Tout est encore à comprendre, et je ne veux pas m'avouer vaincue, d'autant que ce serait dommage pour lui aussi. Quant à ces arbres, ces aquariums, et tous ces objets étranges qui jonchent le sol, il doit bien y avoir un moyen de les expliquer, voire (mon objectif se perd sans cesse, quelle horreur !) de m'en servir pour revenir en arrière et retrouver cet homme. Une main toujours posée sur le tissu-écorce, j'en déchire un bout minuscule et le cache dans ma poche avec une angoisse irrationnelle. En quelques secondes, l'idée me vient de bondir sur les poufs, juste pour essayer. Le résultat est bien au-dessus de mes espérances. En quelques secondes, je m'aperçois que chaque branche sur laquelle je me déplace me permet de faire des bonds très rapides dans des directions différentes. Cela devrait sûrement me paraître étrange encore une fois, mais j'ai décidé de ne plus y penser et de me concentrer. Oublier  le placerait peut-être en danger de mort, qui sait ? Rassemblant mon courage, je me place de façon à pouvoir revenir en arrière. Bond après bond, je finis par arriver au niveau de l'arbre en tissu, avant de m'écorcher lors d''un atterrissage... imparfait. Être tombée m'est assez égal, et la douleur est faible, mais quelle perte de temps ! Autour de l'arbre se trouvent heureusement quelques poufs plus imposants, qui devraient m'être d'une aide précieuse, mais je me sens brusquement effrayée. Une voix aiguë et forte s'est élevée derrière le tronc, et même si ne comprends pas ses paroles, cela ne présage probablement rien de bon...

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Félicie Mignon

(L1, Lettres Modernes, UPEM)

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Mis en ligne le 30 novembre 2016

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