Les Rocambolesques
roman-feuilleton collectif arborescent à contraintes
Le silence m’embarrassait, je le regardais et je n’arrivais pas croire ce que je voyais. En effet, je n’aurais jamais cru qu’un jour je reverrais Hugo. Mon cœur battait comme si c’était sa dernière fois. Entre lui et mon fils, il y avait tellement de passé, tellement de distance et je ne pouvais pas lui dire que c’était moi son père, ce n’était pas possible. Trois ans après sa disparition je n’avais reçu aucunes nouvelles et j’avais décidé d’arrêter ce cauchemar. Recommencer à nouveau ma vie, c’était le meilleur choix, je n’en avait d’ailleurs pas d’autre. On n’oublie pas ce qui nous appartient.
-Est-ce que tu as une photo de ton père ?
-Ses affaires sont restées dans la maison de mes grands-parents, quand ma mère a décidé de venir ici. Trouves-tu une raison logique de réveiller le passé quand il s’est bien endormi depuis des années ?
-Probablement non, mais on a toujours besoin d’un souvenir de ce passé.
-Laissons tomber cette question, d’accord ?
Un très long silence coupa nos regards. Ses yeux étaient vivement brillants, ils cherchaient le sens des mots d’un inconnu, ce que j’étais pour lui. Était-il trop tard pour qu’il sache la vérité ? Face à toutes ces années perdues, avais-je le droit de renverser sa vie ? Fallait-il que je le dise ? Rêvais-je ?
À côté de nous le barman se rapprocha.
-Y a-t-il quelque chose que je puisse faire pour vous messieurs ?
-À part deux whiskeys de plus, non.
-Non, moi, je préfèrerai un cognac s’il vous plaît, dit-il. Tu ne bois donc que du whiskey ?
-Que me reste-t-il d’autre ? Une porte ouverte t’attend peut-être, me répondis-je.
En attendant les verres, j’observais Hugo ; je remarquai bien la tache de naissance sur sa main gauche et la cicatrice sur son menton. L’été durant lequel il avait disparu, il était tombé dans une piscine et s’était blessé le menton. En allant à l’hôpital, sa mère m’avait dit que je n’étais pas un bon père et que je ne méritais pas un enfant comme Hugo.
-Ça va, me demande-t-il. Oublie cette histoire, ça ne changera rien de penser tout le temps à quelque chose qui restera toujours dans le passé, me dit-il.
-Rapproche-toi, Hugo, dis-je, rapproche toi bien de moi. Beaucoup de choses ne sont pas comme ta mère le dit. Elle réécrit l’histoire, mais l’histoire ne peut pas être réécrite, tu comprends ?
Alors je sors une photo de nous trois à la fête du village.
-Un simple cadeau de ton père, qui t’aime et qui n’a jamais arrêter de t’aimer, Hugo, dis-je.
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Rositsa Trayanova
(L1, Lettres Modernes, UPEM)
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Mis en ligne le 30 novembre 2016