Les Rocambolesques
roman-feuilleton collectif arborescent à contraintes
Forcée au sommeil, Mélodie rêva. Des souvenirs qui s'entremêlaient, un peu confusément, flottaient dans son esprit. Elle se revoyait enfant, courant dans le jardin...
« Eddie ! cria-t-elle.
- Eh bien, Mélodie, toujours aussi joyeuse ? répondit le jeune homme. »
Il prit l'enfant dans ses bras. Celle-ci feignit un air boudeur et entreprit de mordre la joue de son grand frère.
« Hé ! Que fais-tu sœurette ?
- Je te mange. Comme les charançons avec les fruits... Tu as déjà vu un charançon ? C'est moche... »
Il rit.
« Et que me vaut ce ''traitement de faveur'' ?
- C'est ta punition pour avoir été absent pendant un mois et m'avoir laissée seule !
- Je n'avais pas le choix, Mélodie. Tu sais bien. Dans le métier, pas de vacances, pas de sentimentalisme, c'est ce que dit toujours Papa.
- C'est Papa qui t'a encore donné un ordre ? »
Eddie hocha la tête et reposa la fillette.
« Tu es jalouse ? Tu boudes ?
- Je n'aime pas que tu partes sans prévenir.
- Que veux-tu Mélodie ? Je suis le meilleur, Papa le sait et me demande de l'aide. Il me reconnaît à ma juste valeur.
- Tu es arrogant.
- Oh, vraiment ? dit-il en feignant un air innocent. (Il se pencha sur elle) Ce que je dis est vrai Mélodie. Papa a confiance en moi parce que je suis doué et intelligent. Je suis le seul qui soit capable de faire les choses aussi proprement... »
Il effleura l'étui qui pendait sur sa hanche. La jeune fille devina le bout d'un canon briller. Elle avait déjà vu son frère utiliser son arme. Il s'entraînait souvent dans les bois, et elle aimait l'accompagner et l'observer.
Il surprit son regard et sourit.
« Je suis sûr que tu en auras un aussi, Miss Quenotte.
- Quenotte ?
- Tu as voulu me mordre.
- Je voulais jouer. (Elle réfléchit un instant.) Tu ne mentais pas, Eddie ? ajouta-t-elle.
- Non.
- Le jour où cela arrivera, je serai meilleure que toi. Ton nom finira aux oubliettes, Edward.
- Je voudrais bien voir cela... »
Le jeune homme prit la jeune fille sur son épaule et la transbahuta dans le jardin.
Au loin, Mélodie avait vu son père sourire. Un sourire mauvais déformait ses lèvres...
Ce même sourire qu'elle avait vu lorsqu'il l'avait rejointe, trois ans plus tôt, alors qu'elle venait de commettre ce qu'elle considérait comme la pire erreur de sa vie.
Encore debout auprès de sa victime, Mélodie avait aperçu son père lui adresser un signe de félicitation. Il l'avait couverte de compliments. Elle aurait pu se sentir flattée - elle aimait entretenir son ego - mais ce qu'elle avait sous les yeux l'en empêchait. Elle aurait voulu retourner le canon vers elle, tant la colère et l'horreur étaient fortes. Comment avait-elle fait pour ne pas le savoir ? Comment avait-elle fait pour être si bête, si naïve ? Oh bien sûr, Edward y était certainement pour quelque chose... Elle était sûre qu'il avait modifié le dossier pour lui jouer un tour.
Son diable de frère, penché au-dessus du cadavre, avait eu la délicatesse de remuer le couteau dans la plaie en se moquant d'elle.
« Du joli travail, pour sûr... Mais je pense que tu aurais pu faire plus original... Une simple balle dans la tête ! Tu aurais pu le défenestrer, ou le désentripailler, ou encore...- » Là, Mélodie avait tiré sur son frère pour le faire taire. Évidemment que c'était lui qui avait pris la feuille qui manquait au dossier !
En rencontrant ses prunelles charbon enragées, elle avait lu qu'elle avait raison. Il avait falsifié son dossier !
Pire, elle avait tué un enfant !
Dans cette terrible nuit d'octobre, elle avait longtemps contemplé son crime. Elle avait pris peur et juré de poser définitivement son arme. De s'enfuir et de se ranger.
Elle ne se retourna pas pour voir le marronnier et le pauvre petit cadavre. Mais elle s'en souvenait dans les moindres détails.
Elle poussa un cri. Strident. Elle ouvrit les yeux pour découvrir l'épreuve du Patriarche.
Une odeur étrange envahissait la pièce...
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Le 21 novembre 2016
~Violon*Chagrin (UPEM - L1 Lettres Modernes - TD2)