Les Rocambolesques
roman-feuilleton collectif arborescent à contraintes
« Tout commença quand tu étais enfant, tes parents qui possédaient une ferme ont été ruinés par une mauvaise récolte. Ils étaient désespérés, des milliers de charançons avaient envahi les champs de blé. Ils auraient tout fait pour que tu puisses avoir une meilleure vie et t'épargner la misère. Ils ont d'ailleurs réussi, tu avais la belle vie, nous avions la belle vie, tous les deux... Mais voilà, pour t'accorder cette vie-là, ils ont dû faire des sacrifices, alors quand la banque leur a refusé le prêt qu'ils réclamaient, ils se sont tournés vers un groupe de personnes pas très fréquentable, si tu veux mon avis. Tes parents étaient persuadés qu'ils arriveraient à les rembourser et pendant des années ils leur ont versé une certaine somme. Seulement, on n’emprunte pas autant d'argent à ces gens-là sans qu'il y ait des conséquences et lorsque tu es partie vivre en ville avec moi, tes parents ont décidé que ce petit jeu avait bien assez duré et que leur dette était bien plus que remboursée. Ce n'était pas l'avis des malfrats, alors un soir ils se sont introduits chez vous et ils les ont massacrés, ainsi leur dette fut payée.
– C'est impossible, comment... puis-je ne pas m'en souvenir, s'affola Candice
– Laisse-moi finir, s'il te plaît, je sais à quel point tu étais proche d'eux, c'est pour ça qu'après plusieurs semaines sans nouvelles, ton sentimentalisme a pris le dessus et d'un coup de tête tu es partie avec la voiture, faire des centaines de kilomètres pour t'assurer que tout allait bien. Tu n'aurais jamais pu imaginer ce qui s'était passé. »
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Il prit une gorgée avant de continuer.
« Une fois arrivée chez tes parents, tu es entrée comme à ton habitude mais rien ne te semblait familier, la maison était plongée dans une obscurité pesante et dans l'air flottait une odeur abominable. Par terre, des cadres étaient brisés, des chaises retournées et une petite boite où l'on pouvait lire « mes petites quenottes » était ouverte, laissant s'échapper tes vieilles dents de lait que ta mère gardait soigneusement. Tu savais alors que quelque chose était arrivé. Au fond du couloir, la porte qui menait à la cave était ouverte, tu n'aimais pas cet endroit, il t'avait toujours fait peur, peut-être parce que ta mère aimait l'appeler « les oubliettes » pour te dissuader d'y entrer. Mais l'odeur venait de là et c'est avec horreur que tu y as découvert le corps de ta mère, gisant sur le sol comme si on l'avait transbahuté du haut des escaliers, non seulement on avait balancé le corps mais en plus il avait été désentripaillé. Tu n'as pas supporté la vue du corps et tu es vite remontée en claquant la porte derrière toi. Tu t'es rapidement demandé où pouvait bien être ton père et tu sentais déjà une odeur de pourriture qui provenait de l'étage. Tu es montée à l'étage encore pétrifiée par la vision de ta mère morte, tout en ignorant le secret de ces dettes qui l'ont conduite à sa perte. La puanteur provenait de la salle de bain et c'est ton père qui y était, baignant dans son propre sang. L'humidité de la pièce avait aidé à la décomposition du corps...
– Mon dieu, je ne peux pas y croire!
– Candice, il faut que tu saches que tu n'as pas vraiment eu d'accident, c'est ce que les médecins t'ont raconté pour atténuer la douleur et le traumatisme parce que cet événement t’a changée, après ça tu as refusé de m'en parler et tu n'as plus du tout parlé d'ailleurs, c'est pour ça que je t'ai envoyée dans cet hôpital. Suite à ça ton cerveau a en quelque sorte effacé tout ça, tu m'as même oublié moi, ton mari, et j'étais dévasté.
– Je me souviens de cet étrange hôpital, je me suis enfuie au moment où je me suis rendu compte que je n'avais aucun souvenir de la raison de ma présence là-bas.
– Maintenant tu la connais et je t'ai cherchée pendant tellement d'années, alors reviens avec moi, je t'en supplie... »
Maéva GUIARD (UPEM - L1 Lettres Modernes - TD2)
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