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Des taches noires brouillaient sa vue tandis qu’elle essayait tant bien que mal d’ouvrir les yeux. Une odeur et de produits hygiéniques venait chatouiller ses narines. Des bourdonnements incessants se faisaient entendre comme si des petits charançons essayaient de sortir de sa tête. Elle pouvait sentir une main entremêlée avec la sienne. Lorsqu’elle ouvrit les yeux, complètement cette fois, elle put distinguer les traits doux et fatigués de son mari. Les larmes lui montèrent aux yeux. Ce sentimentalisme ne lui ressemblait pas. Paul avait l’air soulagé, il lui sourit. Elle retrouvait dans son regard toute cette passion, tout ce dévouement qu’il avait pour elle à chaque fois qu’elle retrouvait sa lucidité dans cette chambre blanche et sinistre. Il fallait que tout revienne à la normale. Il fallait qu’il reprenne une vie saine, qu’ils puissent vivre simplement comme tous les jeunes couples qu’il y avait autour d’eux. Leur fils, Baptiste, devait être avec la mère de Paul en ce moment. Il lui manquait. Elle aimerait être une bonne mère pour lui. Elle aimerait pouvoir le réveiller tous les matins. Elle aimerait qu’il lui fasse son plus beau sourire laissant apparaitre ses petites quenottes bientôt prêtes à tomber. Mais il fallait du temps. Dès qu’elle repensait à cette nuit-là, tout se bousculait dans sa tête et elle commençait à délirer.

«  Annika, mon cœur, comment tu te sens ? Tu sais, cette fois, j’ai eu très peur. Il va falloir que tu parles, tu m’entends ? Les policiers sont encore là, ils attendent des détails, comme à chaque fois que tu délires. Depuis la dernière fois, je pensais que c’était fini, que tu avais mis tout ça aux oubliettes.

- Paul, ce n’est pas aussi simple que tu l’imagines.

- Qu’est-ce que j’imagine ? Le problème c’est que je ne peux pas m’imaginer ce que tu ressens parce que tu ne me parles pas ! »

Elle sentait que c’était la fois de trop. Il fallait qu’elle lui dise sinon elle se réveillerait un matin et il ne serait plus là. Tous ces souvenirs qu’elle se transbahutait  depuis l’agression, il fallait que cela cesse.

Elle vit deux hommes vêtus de bleu et de noir entrer dans la chambre. Ils revenaient sans cesse à son réveil et essayaient de comprendre ce qu’il s’était passé cette nuit-là, tout comme son mari.

«  Mme Hudson, j’espère que vous allez mieux. J’ai quelques questions à vous poser. Les médecins nous ont dit qu’il était arrivé une quatrième… crise. Vous vous trouviez cette fois dans la rue de Neukohln. Cela a-t-il un rapport avec l’agression ? »

Elle resta muette. Elle était épuisée. C’était comme si on l’avait désentripaillée dans ce lit bien trop familier. Elle ne ressentait rien. Elle savait que si elle commençait à se remémorer l’agression, la folie allait reprendre le dessus. Alors elle pensa à son fils. La lumière devint plus agréable à supporter. Elle essayait de reprendre des forces. Ces dernières qui se réduisaient à chaque fois qu’elle croisait le regard de pitié exposé sur le visage de son mari. Alors elle décida de ne pas le regarder et de se concentrer. Il fallait que, cette fois, elle se contrôle. Il fallait qu’elle passe cette étape si elle ne voulait pas finir demeurée pour le restant de ses jours.

«  Je m’étais endormie.

- Je vous demande pardon ?

- Je m’étais endormie, ce soir-là. C’était en plein mois de juin. J’avais des montagnes de copies à corriger après les examens alors j’étais restée très tard au lycée. Je pensais que j’étais seule. Lorsque je me suis réveillée, j’avais devant les yeux  un dessin que mon fils m’avait fait il y quelques années. Il s’agissait de cœurs roses et rouges faits au pastel sur un petit bout de feuille cartonné. Je le gardais précieusement dans le tiroir de ma table de chevet. » 

Elle sentait l’agacement des deux hommes qui laissaient paraître leur impatience et leur incrédulité face à son histoire.

«  Quel est le rapport avec l’agression ? »

Cette phrase lui avait été répétée tellement de fois qu’elle en perdait tout son sens.

« Je n’avais jamais apporté ce dessin avec moi au bureau. C’est là que le cauchemar a commencé. » 

C’est sur cette phrase qu’elle se sentit replonger dans le noir complet pour de nouveau se trouver dans un milieu presque inconnu.

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Vanille FEDIX (UPEM - L1 Lettres Modernes - TD2)

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