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Mademoiselle Prévot demanda alors au lieutenant Martin d’aller dans un endroit plus calme, neutre, et public pour pouvoir discuter. Il lui proposa d’aller dans un café, elle accepta, mais toujours avec réticence.

« Celui-ci me semble correct, dit le lieutenant en pointant du doigt le café auquel il faisait référence.

-    Très bien, allons-y. »

Ils s’installèrent à une petite table ronde en terrasse. La nuit était encore loin mais le soleil commençait à baisser. Il faisait encore chaud et beaucoup de passants marchaient devant leur table, tête baissée ou bien les yeux rivés sur leurs téléphones. Mathilde prêtait beaucoup d’attention à ce qui l’entourait, son regard bougeait sans cesse.

« Bonsoir, dit un serveur, que puis-je vous servir ?

-    Un café et un verre d’eau pour moi, répliqua le lieutenant.

-    Un thé vert s’il vous plaît.

-    Très bien ! »

Une fois le serveur parti, le lieutenant commença à submerger Mathilde de questions, sans lui laisser le temps de répondre. Mathilde l’interrompit.

« Joachim était plus que mon ami. Je le sais par des photos, des textos, mais aussi par les paroles de mes proches. Personnellement, je ne me souviens de rien. Lorsque l’on m’a annoncé sa mort, j’ai complètement déraillé.

-    Pourquoi ne pas nous avoir prévenus ?

-    Je ne sais pas, rétorqua Mathilde en tournant la tête de manière à ne pas croiser le regard du lieutenant.

-    Eh bien ! Savez-vous que lorsque nous avons retrouvé le corps de  votre prétendu ami, il y avait déjà toutes sortes d’insectes, dont des charançons, des mouches et j’en passe ? Savez-vous aussi que sa famille ne m’a absolument pas raconté ce que vous me dites ? Dois-je aussi ajouter les peines que vous encourez en apportant un faux témoignage ? »

Mathilde se leva, non sans renverser sa chaise, commença à partir en pleurant. Le lieutenant suivit alors Mathilde, l’attrapa par le poignet, encore une fois, doucement mais fermement.

« Au diable votre sentimentalisme et parlez-moi ! Qu’est-il arrivé à Joachim Daubeyll ? dit-il en élevant peu à peu la voix.

-    Mais je vous ai dit que je ne savais pas bon sang ! Je vous ai rapporté ce que l’on m’a raconté ! Seulement vous avez insinué que j’étais une menteuse, dit-elle en reprenant son souffle et en essuyant ses larmes. On m’a dit qu’on a perdu nos quenottes ensemble, qu’on a grandi ensemble et qu’une fois adultes, nous avions une relation plus qu’amicale, mais fraternelle ! Je ne sais pas quoi vous dire d’autre. Je suis tellement triste de savoir que j’ai tout oublié, qu’il ne me reste aucun souvenir…

-    Oh ! Je vois… répondit le lieutenant, mal à l’aise. Je pensais que lorsque vous aviez utilisé les termes "plus qu’amis" tout à l’heure, c’était pour désigner une relation amoureuse…

-    Non ! Mais comme je vous l’ai dit, je ne me souviens de rien, tout est aux oubliettes. Je sais tout ça, tout mon passé, grâce à mes proches, aux photos comme je vous l’ai dit précédemment. J’ai tout oublié lorsque l’on m’a annoncé sa mort. »

 

Quelques jours plus tard, de nouveaux indices permettaient à l’affaire d’avancer, et notamment un témoignage qui indiquait que le corps avait été transbahuté, alors qu’il était désentripaillé.

Le lieutenant, sous le choc de cette nouvelle, essaya de joindre mademoiselle Prévot, en vain. Il retourna à son domicile et rien : elle avait déserté les lieux. Elle avait dit au propriétaire qui lui louait l’appartement qu’elle avait reçu une horrible nouvelle et devait par conséquent partir.

Les indices indiquaient clairement que le corps était complètement désarticulé, écorché et mutilé : le lieutenant ne croyait définitivement pas au suicide. Totalement désespéré face à cette affaire, il se demanda qui était cette Mathilde Prévot, mais aussi, si la femme qu’il avait vue était réellement ce qu’elle prétendait être…

 

 

Lisa JACQUARD (UPEM - L1 Lettres Modernes - TD2)

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