Les Rocambolesques
roman-feuilleton collectif arborescent à contraintes
Elle fondit en larmes en s'écroulant sur le banc qui se trouvait derrière elle.
"Arrêtez votre cinéma, je ne suis pas du genre à me laisser attendrir ! Vous allez finir par parler à la fin !
-Lieutenant ! reprit une femme semblant sortir de nulle part, d'un ton calme et autoritaire, vous voyez bien que cela ne sert à rien. Bien que vous soyez l'un des meilleurs enquêteurs de Paris, il me semble que pour cette affaire vos méthodes sont obsolètes." Elle le prit par le bras et l'attira à l'écart, laissant la jeune femme seule sur son banc.
"Je vous connais bien, je savais que vous iriez la retrouver sans moi, mais si le bureau nous a demandé de travailler ensemble sur cette affaire, ce n'est pas pour rien. On peut faire parler cette femme, mais ce ne sera certainement pas en la poussant à bout qu'on y parviendra, croyez-moi. J'ai déjà eu affaire à ce genre d'individu, il faut qu'elle se sente en confiance pour qu'on ait ce que l'on veut. Maintenant laissez-moi faire, je vous retrouve demain au bureau." Sans même attendre la réponse du lieutenant, elle lui tourna le dos et retourna auprès de la jeune femme qui commençait à se remettre de ses émotions, même si elle semblait à présent complètement déboussolée.
"Veuillez excuser le comportement de mon collègue, il a tendance à s'emporter quand les choses lui tiennent un peu trop à cœur. Je vais vous ramener chez vous, il me semble que vous avez besoin de repos, vous êtes très pâle." La jeune femme acquiesça et se leva doucement. Les deux femmes montèrent en voiture. Plus personne ne parlait. Seul le bruit de la circulation venait rompre le silence. Le regard de la jeune femme était vide, son corps restait immobile, à l'exception du léger sautillement de sa jambe qui laissait paraitre une certaine anxiété.
Une fois arrivée devant chez elle, elle sortit de la voiture en lâchant un petit "merci" puis claqua la portière. La conductrice ne semblait pas surprise de cette réaction, néanmoins elle ouvrit la fenêtre et lança avant de repartir:
" Il demeure encore beaucoup trop de questions sans réponse, n'est-ce pas ? Je passerai vous voir d'ici quelques jours. "
Un frisson parcourut la jeune femme. Elle rentra chez elle, posa son sac sur la petite table de marbre qui décorait l'entrée, monta les marches grinçantes de l'escalier qui menait à sa chambre et s'assit sur le bord de son lit.
"Rappelle-toi, rappelle-toi ! Pourquoi est-ce que rien ne me revient !"
Paniquée face à ce vide, elle décida de reprendre son calme et de réfléchir. Le dernier souvenir qu'elle avait était celui d'une peur terrible qu'elle avait eue en voyant des charançons en ouvrant la petite porte du bas.
Isabelle Prévot a toujours été une femme plutôt ordinaire. Avant le drame de sa vie, elle menait une existence bien tranquille, dans son appartement au cœur de Paris, avec sa petite routine de tous les jours. Le sentimentalisme dont elle était dotée la poussait à croire qu'un jour elle trouverait l'homme parfait, aurait des enfants et vivrait ainsi sans autres préoccupations que de savoir ce que la petite souris devrait donner à la tombée de la première quenotte de ses enfants. Mais ses doux rêves étaient vite tombés aux oubliettes, depuis l'arrivée de Joachim dans sa vie. En effet, il n'avait rien du prince charmant. Depuis qu'elle le connaissait, son cœur ne cessait d'être transbahuté ici et là, au bon vouloir de ce monsieur. Rien qu'à ce souvenir, Isabelle en était désentripaillée.
Cela faisait bien longtemps que le problème s'était installé entre eux. Depuis ce qui s'était passé ce 5 décembre, Isabelle n'a plus jamais été la même. La situation était telle que son corps même tressaillait à la pensée de Joachim. Quoi qu'il en soit, maintenant le problème était réglé. Plus de Joachim, et pour longtemps. Mais comment en était-elle arrivée là ? Qu'avait-il bien pu se passer entre le moment où elle avait pris cette décision et l'annonce de la mort de Joachim ? Il lui était impossible de penser au pire. Malgré ce qui avait pu se passer entre eux, jamais elle n'aurait voulu être à l'origine de sa mort. Tout se chamboulait dans sa tête, et ce profond trou de mémoire n'arrangeait rien.
Soudain, le souvenir d'une parole prononcée lui revint avec frayeur. Vous savez, comme quelqu'un qui se rappellerait soudainement être parti de l'aire d'autoroute sans les enfants dans la voiture. Les quelques informations qui lui étaient revenues devinrent claires à présent.
"Ce sont mes amis ! C'est eux !"
Amarande MAURIZOT (UPEM - L1 Lettres Modernes - TD2)
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