Les Rocambolesques
roman-feuilleton collectif arborescent à contraintes
— Cuthy, où êtes vous ? Je ne vous vois
— Ici, je me suis juste tordu la cheville.
— Bon, si ce n’est que ça...Venez, la sortie n’est plus très loin.
En sortant du tunnel, Rocambole prend la main de Cuthy et l'entraîne d’un pas vif vers l’entrée du Porte-jarretelles en manquant d’écraser un très joli charançon rouge que Cuthy remarque du coin de l’œil. À l’approche du bar, l'association entre le nom inscrit sur l’enseigne et le vêtement lui traverse l’esprit. Elle, qui n’a pas l’habitude de laisser quelqu’un d’autre décider de ce qu’elle doit faire, ralentit alors le pas. “Vous vous en remettrez ! Allez, avancez avant que le Pélican ne nous rattrape !” lui crie Rocambole, prenant l’instant d’hésitation de Cuthy pour une poussée de sentimentalisme. Celle-ci se laisse entrainer dans le bar, malgré quelques réticences. Elle découvre une vaste salle, aux murs en pierres apparentes, où des tables ont attiré des hommes en costumes profitant de l’ambiance détendue de l’endroit.
Après quelques pas, Rocambole change d’attitude. Arborant un large sourire, il se dirige vers le bar d’un pas confiant, faisant signe à Cuthy de le suivre. Il s’assoit sur un tabouret à côté d’un homme très imposant portant une veste en cuir, un chapeau de cow-boy et une dent de requin au cou. “Salut Rock ! Comment ça va depuis le temps ! C’est une bien jolie quenotte que tu as là.” L’homme lui lance un regard à la fois amusé et surpris puis articule : “Rocambole… Je ne pensais plus jamais revoir ta sale tronche.
— Mon ami, tu ne sais pas à quel point je suis heureux que tu sois là. Quand tu sauras quelles circonstances m'amènent et ce à quoi je viens de réchapper, tu resteras sans voix.
— Laisse-moi deviner, tu viens de t’échapper des oubliettes en emportant avec toi la belle princesse que tu as transbahutée jusqu’ici pour la présenter aux riches messieurs du coin.
— Pas tout à fait, à vrai dire j’ai été retrouvé par l’homme Pélican, celui de la secte, tu te souviens ?
— Ouais, un type louche celui-là… On était arrivé pile au moment où ils allaient désentripailler une chèvre en offrande à Cthulhu.
— En effet, un acte d’une sauvagerie inouïe.
— Est-ce que quelqu’un pourrait m’expliquer ce qui se passe à la fin !? finit par exploser Cuthy.
— Cuthy, cet homme un peu extravagant est Rock, un espion australien sous couverture. Rock, voici Cuthy, mon fidèle bras droit depuis une dizaine de minutes.
— Tu as toujours eu le chic pour t’entourer de charmantes compagnies, dit Rock, adressant un sourire à Cuthy.
— Bon, plus sérieusement, j’ai besoin que tu me sauves la mise Rock, continue Rocambole, entraînant ses deux interlocuteurs vers une table près du jukebox afin de parler sans être écouté.
Pour couvrir leur discussion, ils allument au passage l’appareil, choisissant “Casser la voix” de Patrick Bruel, attirant ainsi une groupie qui commence à chanter sur la piste de danse au milieu de la pièce.
“C’est vrai que je te dois bien ça. Après le suicide de ma femme, tu as été là pour me donner l‘affection qui me manquait
— À vrai dire, j’ai eu un peu pitié de te voir aussi épouvantablement mal en point, dit-il, attrapant un verre sur le plateau d’un serveur boutonneux qui passait non loin.
— Pour en revenir à ton problème, je pense qu’il vous faut un plan pour en finir définitivement avec cet homme Pélican, reprend Rock.
— Je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure solution…
— Il a raison ! coupe Cuthy. Nous allons le retrouver et lui faire regretter de t’avoir causé des ennuis ! Si je le vois je vais...”
Cuthy s'interrompt. Rocambole suit son regard vers l’entrée du bar pour y découvrir une silhouette sombre et masquée franchissant la porte…
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Jason Coltier, IUT de Vélizy