Les Rocambolesques
roman-feuilleton collectif arborescent à contraintes
Quelle rencontre ! Nous avons discuté, rien que tous les deux, pendant quelques minutes. Cela faisait si longtemps que je n’avais pas passé un moment aussi agréable avec une femme, que je n’avais pas ressenti autant d’émotions en si peu de temps. Au début, elle s’est montrée froide, ne me posant que des questions sur Rocambole. Puis, au fil de la discussion, elle s’est ouverte et a dévoilé un petit bout de femme fragile et touchante. Je l’écoutais me parler de sa vie de débauche à enchaîner les conquêtes chaque week-end et je lisais dans ses yeux la mélancolie de cette vie qui ne la satisfaisait plus. Pour lui changer les idées, j’ai commencé à lui relater mes aventures les plus dangereuses et j’avais pour la première fois devant moi une femme qui m’admirait. Il a fallu que Rocambole revienne pour couper court à ce doux moment. Toujours à me voler la vedette, ce soi-disant héros…
Cuthy est ensuite rentrée chez elle. Fort heureusement, nous avons pu échanger nos numéros de téléphone avant l’arrivée de Rocambole. Je l’appellerai demain… Ou non, ce soir. J’ai tellement envie de la revoir !
« Oh, tu m’écoutes là ?! ». Rocambole me tire de mes pensées. « Désolé, j’étais ailleurs. Tu disais ?
- Non, laisse tomber, je me débrouillerai » dit-il avant de quitter le comptoir devant lequel on s’était installés. Je crois l’avoir vexé mais tant pis. J’en ai assez qu’il me mêle tout le temps à ses galères. Cuthy va me permettre d’enfin changer un peu d’air.
Tiens, mon portable vibre dans ma poche. Un message de Cuthy. Je lui manque déjà ? « Rejoins-moi impasse Mousset. Tout de suite. » Un rendez-vous dans une petite impasse du douzième ? La coquine... Ça risque durer longtemps, je devrais prévenir mon patron que j’aurai un peu de retard. Je demande au serveur du bar où se trouve cette impasse. Il m’indique que c’est à deux rues d’ici. Je me hâte.
En marchant, je me recoiffe rapidement et glisse un chewing-gum dans ma bouche. Quatre minutes plus tard, j’arrive à l’impasse. Cuthy est là, toujours aussi resplendissante. Cependant, elle paraît contrariée. « Tout va bien, ma jolie ?
— Rocambole, ton ami, je pense qu’il n’est pas tout blanc, me répond-elle.
— C’est vrai qu’il a fait un tour aux oubliettes, mais ce n’est pas un monstre. Il ne ferait pas de mal à une personne innocente.
— Je pense que c’est arrivé justement.
— Qu’insinues-tu ?
— Lorsque je suis sortie du bar, j’ai vu un attroupement. J’ai entendu que quelqu’un avait fait une tentative de suicide. Je me suis donc approchée pour porter secours à la victime. Il s’agissait d’une adolescente. Un témoin m’a indiqué qu’elle se serait jetée du haut d’un immeuble.
— Quel rapport avec Rocambole ?
— Elle a murmuré une phrase avant de perdre connaissance… Elle a dit : “C’est la faute de Rocambole”.
— Tu es sûre d’avoir bien entendu ? » Comment croire les propos d’une femme que je venais de rencontrer il y a à peine une heure. Elle accusait mon plus vieil ami d’avoir fait du tort à une adolescente.
« Je suis sûre de moi. Tu te souviens, quand on discutait au bar, Rocambole est sorti pendant un long moment sans explication ? Il aurait tout à fait eu le temps de s’en prendre à elle... »
C’est vrai que Rocambole est parti sans rien dire et qu’il semblait différent lorsqu’il est revenu… Je n’avais pas prêté attention à lui. J’étais dans mes pensées, j’aurais dû l’écouter.
« La petite a été emmenée à l’hôpital, continue Cuthy. J’espère qu’elle s’en sortira. Je n’ai rien dit à la police, ni aux secouristes. Comme c’est ton ami, je voulais t’en parler d’abord. On devrait sérieusement enquêter sur Rocambole…
— Ne vous mêlez pas de cette affaire », dit un homme en sortant de l’ombre. Il s’agit de Rocambole. Il m’avait suivi et nous écoutait discrètement depuis le début : « Rocambole ? Que fais-tu ici ?
— Ne posez plus de question, me répond-il.
— Alors, tu t’en es vraiment pris à cette jeune fille ?
—Je suppose que je vais aussi devoir me débarrasser de vous », ajoute-t-il en soupirant.
Rocambole sort alors une arme à feu qu’il brandit vers Cuthy. Sans réfléchir, je m’interpose entre eux en hurlant à Cuthy: « Cours !! »
Un coup de feu retentit. Cuthy s’enfuit. Je m’écroule au sol.
Mes derniers sentiments sont stupeur, colère et tristesse. Je n’arrive pas à croire ce qui vient de se produire : mon plus vieil ami m’a tiré dessus ! Tandis que je perds connaissance, Rocambole, avant de partir à la poursuite de Cuthy, prend la peine de répondre en souriant à ma dernière parole : « Rien ne sert de courir, il faut partir à point. »
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Akila Hewapannigala, IUT de Vélizy