Les Rocambolesques
roman-feuilleton collectif arborescent à contraintes
« Je vous préviens, ça ne sera pas facile à entendre. Tout commença quand ton... enfin, votre père a voulu vous enlever.
- Attendez, quoi ? fit la jeune femme à présent plus sous le choc que méfiante.
- Je te l'ai dit, ça ne sera pas facile à entendre.
- Oui mais...
- Vos cafés, m'sieur, dame, dit la serveuse à l'air un peu niais, qui leur tendait deux tasses fumantes. »
Ils la remercièrent d'un mouvement de tête. Nathan attendit qu'elle soit bien partie et dit avec un sourire :
« Leurs cafés sont dégueulasses, mais c'était l'endroit le plus proche, alors...
- Continuez votre histoire, au lieu de parler café. »
Nathan resta quelques secondes sans voix, dévisageant Candice comme s'il la voyait pour la première fois. Finalement, il éclata de rire.
« Quoi ?
- Oh, rien, c'est juste que tu m’envoies bouler comment autrefois, ça me rappelle des souvenirs. »
Voyant que cela ne faisait rire que lui, Nathan se racla la gorge, gêné, et sirota son café en faisant une grimace grotesque. Soudain, ses yeux s'agrandirent de surprise et il recracha tout son café sur le sol.
« Eh bien, quoi encore ? demanda Candice exaspérée.
- Un charançon ! Voilà ce qu'il y a, et dans ma tasse en plus. »
La serveuse, entendant ces paroles, accourut à leur table et s'excusa lamentablement.
« Laissez tomber, mademoiselle, dit Nathan d'un ton calme, ce n'est pas de votre faute. Apportez-moi une bière aux frais de la maison, ça m'ira très bien. »
Pendant ce temps-là, Candice regardait la vitre du café reflétant son maigre visage.
« Alors, beauté fatal, tu te reluques encore ? fit Nathan en levant les sourcils et en souriant.
- Je ne vous permets pas !
- Désolé, s'excusa-t-il penaud, ça m'a échappé. Je te disais cela chaque matin avant, quand tu te préparais, devant la glace. »
Candice leva les yeux au ciel en soupirant et croisa ses fines jambes.
« Poursuivez votre histoire, je n'ai pas que ça à faire moi. Vous en étiez au moment où mon père voulait me kidnapper.
- Bon, ton père a toujours été un peu dérangé. Quand tu étais petite, il ne voulait pas que tu sortes, sauf pour aller à l'école.
- Comment savez-vous tout ça ?
- Mais, car nous étions voisins, dans le même immeuble, depuis notre enfance à Paris.
- Attendez une minute, la chose la plus ancienne dont je me souvienne, c'est de m'être réveillée dans un lit d'hôpital, mais ce n'était pas à Paris.
- Justement, j'y viens. Donc, à l'époque de ton accident, nous vivions encore dans un appartement à Paris. Nous venions seulement d'y emménager, et les cartons du déménagement venaient juste d'être transbahutés dans notre nouveau chez nous. Ton père, bien sûr, a toujours été contre le fait que tu quittes sa maison et même contre notre union.
- Et nous avons quand même réussi à nous marier et à déménager ? demanda Candice d'une voix sceptique.
- Difficilement, mais oui. Ton père ne pouvant le supporter, n'est même pas venu au mariage et ta mère non plus d'ailleurs. Pour notre voyage de noce, nous avions décidé de faire une croisière sur un bateau de luxe.
- Mais quel sentimentalisme, se moqua Candice.
- En rentrant chez nous, nous avons retrouvé l'appartement dévasté. Tout était cassé, mais rien n'avait été volé. Une puanteur atroce provenait de notre chambre ou j'ai retrouvé un putois qui avait été éviscéré. Mes entrailles se sont alors désentripaillé et j'ai vomi tout mon repas. J'ai entendu alors un homme courir dans le couloir et pensant qu'il s'agissait du casseur, je l'ai poursuivi. Je ne l'ai malheureusement pas rattrapé, mais en rentrant à l'appartement, je t'ai retrouvée sur le sol, la tête couverte de sang. Ensuite, ton père est arrivé comme par magie, et il a dit qu'il t'emmenait dans un hôpital qu'il connaissait bien. Le seul problème, c'est qu'après je ne t'ai plus jamais revue, jusqu'à aujourd'hui et tes parents avaient aussi disparu de la circulation.
- Et vous l'avez laissé m'emmener sans rien faire ?
- Bien sûr que non. J'ai tenté de l'en empêcher, mais il y avait deux autres hommes avec lui et ils m'ont passé à tabac.
- Écoutez, cette histoire est très étrange, je vais devoir y réfléchir, car pour le moment ma mémoire est aux oubliettes.
- Bien sûr, ma petite quenotte, je te laisse mon numéro de téléphone, appelle-moi lorsque tu seras prête. »
Candice prit le papier que Nathan lui tendait et partit du café. Nathan, lui, resta à sa table, arborant un étrange sourire froid de satisfaction.
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Le 21 novembre 2016
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Florent GRASSAUD (UPEM - L1 Lettres Modernes - TD2)