Les Rocambolesques
roman-feuilleton collectif arborescent à contraintes
Je l'avais ramenée, elle était là, près de moi. Je ne pouvais cesser de poser mes yeux sur elle, de la regarder.
Elle ne semblait pas différente physiquement parlant, mais son caractère était différent. Elle semblait plus têtue, plus courageuse qu'auparavant.
Mais en la regardant, je ne pouvais déceler ses pensées, ses sentiments. La Cassandra que j'aime, celle qui m'avait fait chavirer le cœur, était un livre ouvert. Elle n'avait aucun secret pour moi, ni pour personne. Mais cette jeune fille, j'avais beau la regarder, je ne voyais rien, aucune émotion, aucun secret à exploiter à mon avantage. Était-elle en colère ? Sans doute.
J'avais menacé son … ami. Elle avait le droit d'être en colère après tout. Et pourtant, elle m'avait suivi sans résister. Peut-être qu'elle savait que si elle ne me suivait pas, je n'aurai pas hésité un seul instant à faire du mal à son meilleur ami, ce Simon. De les voir ensemble m'avait écœuré !
Elle parla enfin, après de longues minutes de silence, me sortant de ma léthargie.
- Et maintenant ? demanda t-elle.
Une simple question, qui signifiait tant de choses.
Elle continua :
- Et maintenant ? Maintenant que je t'ai suivi, que je suis ici avec toi, que comptes-tu faire de moi ? Me garder dans cette usine désaffectée comme une prisonnière ? Et après, tu vas t'amuser à me torturer ? Me tuer peut-être ?
- Je n'oserais jamais, tu le sais bien, dis-je.
Elle partit d'un rire cynique.
- Moi, savoir ? Je ne sais rien de toi ; qui suis-je pour toi, d'ailleurs ?
Elle voulait des réponses et je le lui devais bien.
- Il y a des années de cela, des siècles plutôt, j'ai été victime d'une malédiction. J'avais le choix entre mourir ou devenir immortel, mais devenant porteur d'une maladie : c'est d'ailleurs pour cela que je porte ce masque, pour protéger les autres. J'étais jeune, amoureux et j'avais peur. J'étais destiné à mourir quelques jours plus tard, alors que je devais normalement avoir la vie devant moi. J'ai choisi de ne pas mourir, mais en faisant ce choix je ne me rendais pas compte des conséquences. La femme que j'aimais, cette Cassandra, ma Cassandra, est morte à cause de moi, tout le monde est mort autour de moi.
- Et comment sont-ils morts ?
- A cause de cette maladie, celle que je porte en moi, c'est la peste.
- La peste ?
- Elle a tué une partie de ma famille et la femme que j'aime. Lorsque j'ai choisi de devenir immortel, je ne pensais pas que les autres autour de moi seraient affectés par la peste et quand je l'ai compris, il était trop tard. Alors je reste enfermé ici, pour protéger les autres.
- Et quel est mon rôle dans tout ceci?
- Toi, tu lui ressembles, les mêmes traits, tout, le même prénom. Si tu savais depuis combien de temps j'attends le moment de nous retrouver ! Je ne t'ai jamais oublié.
Je m'approchai d'elle mais elle recula.
- Tu n'as pas à a avoir peur, Cassandra, je ne te veux aucun mal, je veux juste être avec toi. On pourrait aménager cet endroit et vivre ici, ensemble.
- Je ne suis pas celle que vous aimez.
Elle avait raison, elle n'était pas celle que j'avais aimé. Et pourtant, elle était son sosie et la revoir m'avait fait revivre. J'étais perdu toutes ces années à errer ici et là. L'espoir m'avait envahi en la découvrant, je croyais que je pouvais, avec elle, retourner à ma vie d'autrefois, revenir à la normale, mais c'était impossible.
Je ne savais pas quoi faire d'elle.
Mais pour l'instant, elle resterait là, le temps de trouver une solution. Alors je sortis de la pièce, et je fermai la porte à double tour. Elle cria, se débattit contre la porte en vain. Je continuai de m'éloigner sans me retourner.
Calypso GUERIN, Claire SZCZYRKO
Seconde option "Littérature et société" du lycée Emily Brontë
Le 26 août 2017