Les Rocambolesques
roman-feuilleton collectif arborescent à contraintes
La jeune femme que je suivais vient de passer à travers cette porte ! La boutique a disparu, je me retrouve seul face à un champs qui est sorti de nulle part ! Mais que se passe-t-il à la fin !? Il n’y a plus que cette porte. Je m'approche pour l'examiner de plus près. Elle tient d'elle même, sans aucun mur autour. En regardant d'encore plus près, je remarque qu'elle est ornée de petits charançons, ce qui me rappelle l'article que j'ai écrit à propos de ces petits insectes. Je ne comprends pas tellement la signification de ce petit symbole, mais bon… Les yeux toujours fixés sur la porte, je me retrouve face à un dilemme : devrais-je suivre cette femme que je connais à peine ? Ou me détourner et retourner à ma vie d'avant, paisible et sans phénomène pour le moins étrange ? Je suis censé rester objectif, je ne peux faire preuve de sentimentalisme. Après tout, elle n'est qu'un sujet d'inspiration. Cependant, je sens au fond de moi que si je renonce à la suivre, je le regretterai le restant de ma vie. De plus, je ne peux m'empêcher de penser à elle. Est-ce qu’elle va bien ? Où est-t-elle exactement ? Et ce corbeau, a-t’il de bonnes intentions ? Je me passe la main dans les cheveux en soupirant. Ce n'est pas bon, je commence déjà à être trop impliqué ! Une douleur fulgurante à la jambe me tire de mes pensées.
— Aïe ! Mais qu'est ce que… Tu sors d'où toi ? Lâche mon pantalon tout de suite, je ne suis pas un jouet ! Tu as de sacrées quenottes toi hein !
Le petit chiot qui a pris ma jambe pour un jouet lâche prise et me fait des petits yeux tout tristes.
— Arrête de faire cette tête, c’est toi qui a commencé !
Mais que fait ce chien tout seul ? Je le vois courir en aboyant vers la porte, il la pousse avec son museau et disparaît.
— Mais attends !
Je cours vers la porte et m'arrête sur le palier. Elle ne mène nulle part ! C'est tout noir, on ne voit rien et Quenotte a disparu. Je n’ai pas le temps de réfléchir aux conséquences, mon corps avance tout seul dans l’entrée sombre de la porte. Je tombe dans le néant, je me heurte à quelque chose, ma vue se trouble… puis plus rien.
Ma tête me fait mal. J'ouvre les yeux lentement, je ne sais absolument pas où je suis et il m’est impossible de décrire les lieux. La décision que j'ai prise me frappe alors de plein fouet. J’ai la sensation que plus rien ne sera comme avant, que je peux mettre mon ancienne vie aux oubliettes. N'est ce pas ce que je voulais ? Une vie plus excitante ?
Je me relève et cherche la porte par laquelle je suis arrivé mais elle n'est plus là. Elle m'a littéralement transbahuté dans un autre lieu. Mon ticket de sortie, en revanche, a disparu. Génial ! Bon… de toute façon, je dois retrouver cette femme. Si elle est aussi normale que moi, je suppose qu’elle doit être tout aussi effrayée en ce moment.
Un bruit me tire de mes pensées. Un aboiement. C’est Quenotte ! Il me tourne autour avant de tirer encore une fois sur mon pantalon. Peut-être connaît-il cet endroit ? Je le suis alors avec détermination.
Quenotte m’a emmené jusque dans une petite ville aux rues déserte, qui donne l’impression d’être une ville fantôme. Des voix me parviennent, ce ne sont d’abord que des chuchotements, mais alors que je décide d'en trouver la provenance, elles deviennent de plus en plus forte. Je finis par me retrouver face à une foule amassée autour de je ne sais quoi, alors je me rapproche. Mais je n'aurais peut-être pas dû ! Ce que j'ai sous les yeux me donne envie de vomir. Là, allongé par terre, se trouve un corps désentripaillé. Je détourne le regard et le pose sur le fleuve qui traverse la ville, mais l’odeur elle, est toujours là. Je fais quelques pas en arrière comme pour échapper à la puanteur du corps en décomposition, mais je heurte quelqu’un.
— Oh, excusez moi. Je n'ai pas fait attention.
— C’est rien mon petit, répondit un vieil homme. Lorsqu’on voit une scène pareille, on a tous les droits d'être déboussolé.
Il baisse les yeux.
— La pauvre petite doit être effondrée. L’homme continue en secouant la tête : Voir un de ses proches dans cet état… mais en ce moment il n'y a que ça ! C'est cette bête, elle dévore tout ! Personne ne l'a vue mais on sent sa présence, on le ressent tous. Dis-moi mon petit, tu sors d'où comme ça ? Je ne t'ai jamais vu par ici. Je suis le seul pêcheur de cette ville alors je connais un peu tout le monde, chaque visage m’est familier, dont le tien. Pourtant, je ne te connais pas. Tu étais du coin avant ?
— Et bien non, je ne suis pas d’ici. En fait, je ne sais même pas ce que je fais là. Mais il est vrai que cet endroit m'est familier… ce qui est étrange.
— Bon, viens je vais t’offrir une bière, tu es encore tout pâle.
Il me fait signe de le suivre, et c’est ce que je fais. Je ne vois pas ce que je pourrais faire d’autre, je n'ai aucune idée d'où se trouve la femme et il commence déjà à faire nuit. Il vaut mieux arrêter les recherches pour ce soir. Nous entrons dans un bar presque vide et étrangement silencieux. Nous en profitons pour commander directement, et c’est à ce moment là que je l’entends. Les sanglots de la femme ont attiré mon attention. Mais que fait-t’elle là ?! Le hasard fait bien les choses.
— Vous êtes là ! Je vous ai suivie à travers cette porte, je pensais que vous étiez en danger ! Vous est-t’il arrivé quelque chose ? Pourquoi pleurez-vous ?
Je pose délicatement ma main au creux de son dos pour la réconforter.
— C’est mon frère... il s'est fait tuer, j'ai vu son corps... enfin ce qu'il reste de lui, me murmure t-elle entre deux sanglots.
Puis elle commande un autre verre. Elle essaye sûrement d'oublier ce qu'elle vient de voir… Et je pense faire pareil alors que l'image du cadavre ne cesse de ressurgir. Tellement de choses ne sont pas cohérentes ! Peut-être que cette femme pourrait m’aider ? Elle aussi a traversée la porte ! Mais ce n’est sûrement pas le bon moment…
Plus tard dans la soirée et pas mal de verres après, cette femme dont je ne connais même pas le nom est accoudée sur le bar et fixe le miroir en face d'elle, elle ne dit plus mot. Son visage devient flou et je réalise alors que mes paupières sont lourdes. Je tente de réajuster ma vue en clignant des yeux mais tout devient encore plus trouble. Je sombre dans un profond sommeil.
La lumière éclatante me tire de ma torpeur. Quel rêve bizarre… Je m’étire et me frotte les yeux, soudain je me fige. Je suis toujours dans ce bar ! Ce qui veut dire que tout ce qui s’est passé hier était réel, et terriblement étrange ! Ce n’était pas une simple rêverie de ma part ! Cette histoire d’homme corbeau… la porte qui m’a transporté ici… Quenotte ! et le meurtre du jeune homme… Un frisson me prend, la femme est-t’elle en danger ? Je regarde autour de moi et la vois, endormie elle aussi quelques tables plus loin. Je me sens légèrement mieux à l’idée que je ne suis pas seul, mais il reste tant de questions. Je suis du regard les rayons du soleil qui passent à travers le feuillage puis les fenêtres, cette ville a une étrange atmosphère.
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Caroline Daniel et Marion Dejardin
(L1, Lettres Modernes, UPEM)
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Mis en ligne le 10 novembre 2016
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