Les Rocambolesques
roman-feuilleton collectif arborescent à contraintes
Après avoir rencontré ce jeune inconnu à la poursuite de cette femme, je lui proposai de lui offrir une bière : qu'il me semblait pâle, ce petit matelot ! J'appris au cours de la soirée au bar toute son histoire... ou presque puisqu'il partit assez rapidement pour rejoindre son amie, j'eus à peine le temps d'avoir son numéro de téléphone. D'après mes souvenirs de vieux loup de mer, il me semble que c'était un écrivain ou quelque chose comme ça... Cette fille l'avait inspiré pour l'écriture de son chapitre, une sorte de muse, de sirène qui éveillait sa curiosité. Il l'avait suivie jusqu'ici pour s'assurer qu'elle se portait bien depuis un je ne sait quoi qui les avait « aspirés » ici... Quel homme ! Un vrai capitaine sans peur ! J'avais du mal à me concentrer sur ses paroles... Il me disait vraiment quelque chose... Où aurais-je pu le voir ? Ça ne pouvait sûrement pas être un ami pêcheur ou marin, il ne connaissait rien aux poissons. Le pire c'est qu'il était ici pour la première fois de sa vie... Du moins c'est ce qu'il me dit... Je ne le connaissais pas, pourtant, je savais qu'il m'était familier. Je décidai alors de lui envoyer un message pour lui donner rendez-vous près du vieux port, afin d'en savoir un peu plus sur lui, son passé. Lui aussi avait apparemment l'impression de connaître la ville mais en vain... Peut-être pourrait-il m'aider à mettre un nom sur son visage et moi, vieux pêcheur que j'étais, l'aider à remettre un souvenir sur cet endroit.
J'arrivais alors le lendemain au lieu du rendez-vous : je le vis. Il ne m'avait pas l'air très frais, suite à la soirée au bar peut-être...Nous commencions à discuter tranquillement, j'appris qu'il s'appelait Nathan, qu'il voulait devenir professeur et qu'il était assez calme mais curieux... Nous discutâmes un temps jusqu'au moment où une première question concernant son passé sortit de ma bouche. Je lui demandai d'où il venait, et comment était son enfance notamment. C'est une question qui peut paraître étrange au premier abord mais j'y suis particulièrement attaché : l'enfance construit un homme, on peut deviner son caractère présent par sa condition passée ! Puis les enfants... c'est un sujet assez important pour moi... assez sensible... Il me regarda d'abord d'un air assez stupéfait puis me répondit finalement. Il me dit qu'il avait eu une enfance heureuse mais qu'il n'avait pas connu son père, qui, lorsque l'enfant avait deux ans, « était parti en haut » comme avait l'habitude de lui dire sa mère. Il ne sut pas me répondre à la question concernant son origine puisqu'il ne savait pas où il était né et que sa mère, en deuil, prit rapidement la décision de partir du village lorsque son mari fut mort. Cette histoire, aussi triste soit-elle, me submergea de souvenirs atroces. Le sujet sensible dont je parlais tout à l'heure n'était autre que celui de la perte de mon enfant, si jeune pourtant... Une horrible femme, cette sorcière, un jour me vola mon enfant alors que nous étions à la fête du village. Je détournais furtivement les yeux et puis... disparu. Il n'avait que 2 ou 3 ans. Je ne revis jamais Hugo depuis. Les sentiments et les larmes montaient en moi...
Il me regardait mais avait l'air d'être en pleine réflexion. Je lui demandai alors ce qu'il avait et il me dit quelque chose d'assez étrange. Lorsqu'il était petit, il était persuadé que son prénom n'était pas Nathan mais bien Hugo... Sa mère insistait et s'énervait beaucoup contre lui dans ces moments, il prit alors l'habitude de porter ce nom.
Il me dit que, ce souvenir, il l'avait presque oublié, il se disait que c'était une bêtise d'enfant que ce n'était pas grave. Mon cœur battait fort, comme mille tambours... Je le regardais, inquiet, et lui posai une dernière question : « A quoi ressemble ta mère ? ». Il me montra précipitamment sur son téléphone une photo d'eux deux lorsqu'il était petit. Je la regardais attentivement, un long silence comme si le temps s'était arrêté...
« Mon fils... »
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Noémie Chevalier
(L1, Lettres modernes, UPEM)
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Mis en ligne le 23 novembre 2016