Les Rocambolesques
roman-feuilleton collectif arborescent à contraintes
J'étais ici depuis le matin et je n'avait réussis à pêcher qu’une seule truite ! Ce n’était pas ma journée ! Peut-être il fallait que je change de pêcherie. C’était certain : si je rentrais encore une fois chez moi sans un sou, ma femme me quitterait…
Je me rappelais la scène de Nymphomaniac où Seligman compare la vie sexuelle à la pratique de la pêche à la mouche. Dans ma vie les deux résultats étaient totalement déplorables ! Au moins je me consolais : j’avais une truite. C’était mieux que rien.
Un monsieur s'approchait. Je l'avais déjà vu, peu de temps avant, assis sur un banc au bord du fleuve. Il parlait au téléphone. Il venait vers moi toujours en parlant et ce fut le moment où je compris qu’il ne parlait pas du tout au téléphone, mais qu'il se parlait tout seul, ou plus précisément, avec quelqu’un d'absolument invisible, parce qu’ils se disputaient.
"Il ne me restait que l’armée, Barnabé ! Je n’avais rien ! Il ne me restait que le choix de tuer, tu vois ce que je veux dire ? A la place de tuer et d’être emprisonné, j’avais la possibilité de tuer pour la sécurité nationale. Voilà, il y avait des corps partout. Partout, je te dis ! Je suis un militaire, un ex militaire qui… Mais non ! Non, non. Je ne suis pas écrivain, ça c’est juste pour dire que je fais quelque chose après la guerre en Afghanistan. Barnabé ? Où es-tu ?
L’homme commença à chercher la personne invisible. Et moi, je me plaignais de ma vie ? Il en existait de bien pire !
-Excuse-moi, est-ce que tu as vu Barnabé , me demanda-t-il.
-Je suis désolé, Monsieur, mais je ne sais pas de quoi vous parlez. Qui est Barnabé ?
-Mais comment ça qui ? Bien sûr, c’est le charançon qui était avec moi depuis cinq ans ! Barnabé ? Il est parti. Tout le monde me quitte. Tu es sûr que tu ne l’as pas vu ?
-Monsieur, ici c’est une pêcherie et un charançon ne peut être utile que pour l’appât. Voyez ? Maintenant je vous laisse tranquille retrouver votre ami Barnabé.
Je ne voulais pas participer à cette discussion et je commençai à ramasser mes affaires. Il était déjà si tard. J’imaginais que ma femme serait énervée de mon absence. L’homme continuait de crier le nom de son charançon, mais il ne bougeait pas, il restait juste derrière moi. Au moment où je me levai, je vis un revolver juste en face mon visage.
-Ne bouge pas ! me dit-il.
-Mais vous plaisantez, n’est-ce pas ?
-Je t'arrête pour la disparition du charançon Barnabé.
-Monsieur, si vous ne vous sentez pas bien, je peux appeler les urgence. Ils vont vous aider, mais il faut poser l’arme par terre.
J’essayai de le rapprocher et là, il se mit à terre en cachant sa tête. Il commença à pleurer.
Rositsa Trayanova
(L1 Lettres Modernes, UPEM)
​
Mis en ligne le 22 novembre 2016