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En allant se changer quelques pas plus loin, Cuthy remarque un charançon et sa famille fuyant par la porte qu’ils vont emprunter pour entrer dans le bar. Y voyant là un mauvais présage, elle décide cependant de ne pas s’y attarder davantage et enfile rapidement les bas, essayant de ne pas faire preuve de sentimentalisme sur le milieu extrêmement glauque dans lequel elle se trouve. Pendant ce temps, elle entend Rocambole ôter son pantalon, pour ne garder que ses bas. Elle constate tout de même avec soulagement qu’il a sorti d’on-ne-sait-où une minijupe évasée pour cacher modestement ses parties intimes.

 

Une fois apprêtée, sans miroir pour admirer le résultat, elle demande conseil à Rocambole, qui lui répond sans demi-mesure : “Vous êtes fort charmante, ma foi. Il ne fait aucun doute qu’un poupon voudrait planter sa quenotte dans vos mamelles.” Quoique surprise par cet étrange compliment, Cuthy rétorque qu’il est temps d’entrer dans ce bar afin de contacter l’informateur de Rocambole. Ils poussent ensemble la lourde porte de bois, qui s’ouvre avec un grincement discret, caché par le bruit ambiant de cette cave aux allures d’oubliettes.

 

Rocambole lui glisse alors à l’oreille : “Faites attention, ma mie, nous voulons nous fondre dans la masse. Veillez à ne pas attirer l’attention. Prenez exemple sur moi : mon service trois pièces est désagréablement transbahuté dans cet accoutrement pittoresque, mais je n’en laisse rien paraître. Suivez-moi, et surtout, ne parlez à personne à moins que je vous en donne l’autorisation. Nous cherchons mon informateur. Je pense qu’il vous plaira beaucoup. Faites-moi signe si vous voyez une femme avec un chapeau melon.”

 

Cuthy ne sait pas sur quoi arrêter son regard : un serveur en mini-short, des danseuses aux oreilles de lapin, des hommes aux canines extrêmement saillantes, un chat borgne dormant sur le comptoir. Mais elle n’a pas le temps de d’étudier tous les détails.
La première chose qui la frappe pourtant est l’odeur. Cette cave enfoncée dans les sous-sols d’un bar, emplie d’hommes et de femmes transpirants, parfumés, voraces, a comme une odeur de cheval désentripaillé. Quelque chose d'âpre, de mort-vivant, dont elle se souviendra probablement toute sa vie. Une sauvagerie certaine habite ce lieu extravagant qui ne ressemble à aucun autre bar connu.

Même l'atmosphère précédente du tunnel sombre était plus rassurante. Elle comprend alors, avec un sourire crispé, ce qui avait poussé les insectes à fuir.

 

“Si elle vous demande, répondez juste que vous êtes une groupie. Mon informateur connaît assez ma réputation pour trouver cette justification crédible. À vrai dire, je ne saurais même pas vous présenter, je ne connais pas votre nom ! Mais il ne vaudrait mieux pas nous épancher sur votre identité ici. Les murs ont des oreilles.”

 

Cuthy reste donc discrète, et préfère reporter son attention vers le centre du bar. Accoudés au comptoir, une demi-douzaine d’hommes semblent tous penser au suicide, sans un regard pour les femmes qui, juste derrière eux, se pavanent, se caressent, se lèchent et se séduisent. Parmi elles, une femme, de dos, porte un chapeau melon. Avec un coup de coude, Cuthy fait alors comprendre à Rocambole qu’elle a peut-être repéré l’informatrice. Celui-ci acquiesce et tire Cuthy vers une des dernières banquettes libres.

Il griffonne quelques mots sur un post-it et le glisse, avec quelques billets, dans la main d’un serveur épouvantablement boutonneux qui passe par là. Il en profite pour commander trois whiskies frais, et fait un signe vers la femme au chapeau au milieu de la salle. Une fois le serveur parti, Cuthy entreprend d’observer un peu mieux Rocambole, ce que l’obscurité du tunnel ne lui a pas laissé le temps de faire. Un nœud papillon, un veston noir et une petite moustache élégamment taillée font de cet homme un dandy des temps modernes, en porte-jarretelles.

 

L'arrivée de la femme la tire de sa rêverie.

Cuthy comprend tout de suite mieux pourquoi elle était censée lui plaire. De dos, elle n’a pas pu la reconnaître, mais l’informatrice de Rocambole ressemble comme deux gouttes d’eau à Perrie son rendez-vous raté. Et quand leurs regards se croisent, l’étonnement visible dans les yeux de Perrie ne laisse la place à aucun doute. Ces deux femmes se sont déjà rencontrées la nuit précédente, et elles se sont séduites.

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Cyrielle Anzieu, IUT de Vélizy

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Où Rocambole et Cuthy tentent de capturer l'homme-pélican.

Où le serveur s'exprime.

Où il arrive une couille.

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